Dr Jean-Pierre ALIBEU, Maud GUERIAUX
Décrite pour la première fois par William BALFOUR un chirurgien à l’université d’Édimbourg en 1816, c’est Hench en 1976 qui utilisera pour la première fois le terme de fibromyalgie. En 1992, la fibromyalgie a été introduite par l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS) dans la Classification Internationale des Maladies. Pourtant cette clinique mystérieuse fait encore débat. En 2007, l’Académie Nationale de Médecine déclare que « la fibromyalgie correspond à une entité clinique, fonctionnelle, un syndrome qui doit être évoqué sans polémique sur sa nature ». Dans son rapport de juillet 2010 intitulé « syndrome fibromyalgique de l’adulte » la Haute Autorité de Santé (HAS) tente de cerner au mieux cette affection. Maladie ou syndrome, la fibromyalgie fait encore couler beaucoup d’encre. Pour plus de clarté, les critères diagnostiques ACR 2010 (American College of Rheumatology) associent les zones douloureuses rapportées par les patients et un score de sévérité, incluant la fatigue, les troubles du sommeil, les troubles cognitifs et plusieurs symptômes somatiques. La fibromyalgie toucherait 2 à 4 % de la population générale, la prédominance féminine est proche de 80 %.
La douleur est le maître symptôme de la fibromyalgie. Les douleurs sont diffuses et d’allure variable, articulaires, musculaires, tendineuses voire ressenties comme « osseuses ». Elles atteignent la partie axiale du corps, l’axe rachidien, les ceintures et les 4 membres, les extrémités, et des douleurs faciales, thoraciques, abomino-pelviennes.
La fatigue est un facteur important d’incapacité.
La douleur de la fibromyalgie est rapportée à une sensibilisation du système nerveux central (SSC) après une activation soutenue des nocicepteurs : réponse adaptative en termes de plasticité neuronale. Une diminution de l’activité des systèmes inhibiteurs descendants est en lien avec la sensibilisation centrale qui touche également l’axe neuroendocrinien, l’axe neuro- digestif, l’axe immunitaire, le SNA, rendant compte de désordres associés à la douleur dans la fibromyalgie : fatigue, troubles digestifs, endocriniens, cardio-vasculaires.
Une revue systématique sur les modifications anatomiques du SNC en lien avec la douleur dans la fibromyalgie a retrouvé une atrophie dans le cortex préfrontal, le cortex cingulaire antérieur, l’insula, le thalamus, le pont, le précuneus gauche et le gyrus para-hippocampiques. (réseau du mode par défaut).
Ces données neurophysiologiques nouvelles invitent à prendre en compte la fibromyalgie dans cette globalité.
L’anamnèse s’attache à rechercher les causes de cette sensibilisation centrale : événements douloureux et traumatiques comme le deuil d’un parent, l’abus sexuel, la maltraitance et les carences parentales ; traumatismes répétés peu visibles : maltraitance professionnelle, surmenage, conflit intra familial ; douleur chronique ou récurrente. Toutes les souffrances non symbolisées font retour dans le corps du réel sous forme de douleurs.
Ces douleurs interviennent dans la vie du sujet comme des répétitions au cours desquelles vont se rejouer les sensations de rejets, d’isolement, d’injustice et de maltraitance.
L’hypnose agit sur les structures impliquées dans le syndrome de sensibilisation centrale en réduisant son inflammation (Derbyshire 2009) : action au niveau de la pain matrix, du réseau du mode par défaut (amygdale), et de tous les systèmes inconscients. L’effet de l’hypnose se maintient sur la douleur, et particulièrement sur les composantes cognitives et affectives : qualité du sommeil, catastrophisme, impression globale de changement (Menzies 2006).
L’autohypnose permet de renforcer l’action à long terme.
En pratique la prise en charge en hypnose commence par une anamnèse soigneuse pour rechercher les éléments marquants : elle conduit à une connaissance rationnelle de sa maladie par le patient, une réassurance, un objectif est en vue, et installe l’alliance thérapeutique. Le choix stratégique s’appuie sur l’histoire du patient : aller chercher les agrégats traumatiques pour les purger ou les ranger dans le passé, remettre le sujet dans le présent, donc en mouvement, sortir du figement, rétablir un schéma corporel défaillant.
Les outils de l’hypnose sont des techniques métaphoriques classiques dont la finalité a été partagée lors de l’anamnèse : analgésie (gant magique), dissociation (endroit refuge), visualisation (reconnexion), réinterprétation (les contes), purge des agrégats traumatiques (Damasio, Rossi).
De nombreux auteurs s’accordent maintenant pour penser que la fibromyalgie, et probablement d’autres maladies, ne seraient peut être que l’aboutissement d’un épuisement de nos réserves et de nos ressources, et ce déséquilibre du « faire » au dépend de « l’être » pourrait en être l’un des principal moteur. Une allostasie épuisant les ressources, un bad stress selon Hans Sellye. La remise en mouvement dans une pluridisciplinarité partagée permet de remettre du sens à la vie. Le patient est acteur de sa guérison. L’hypnose en est un outil majeur.
Bibliographie :